© Gordon PARKS, Ingrid BERGMAN en 1949 lors du tournage de Stromboli, film réalisé par Roberto Rossellini
« Cher Monsieur,
J’ai vu vos films Rome, ville ouverte et Paisa, et je les ai beaucoup aimés.
Si vous avez besoin d’une actrice suédoise qui parle très bien l’anglais, qui
n’a pas oublié son allemand, qui n’est pas très compréhensible en français
et qui, en italien, ne sait dire que Ti amo, je suis prête à venir faire un
film avec vous. » Ingrid Bergman
Un voile recouvrit les yeux perçants de Rossellini ; on aurait dit deux têtes d’épingle. Il fit comme s’il n’avait pas bien compris et demanda à sa secrétaire de tout répéter plus lentement. Il voulait en profiter. Elle détacha les mots de cette demande de travail modeste et sans conditions, un CV linguistique se terminant par une déclaration ambiguë.
— Ingrid Bergman qui te dit « ti amo » sans t’avoir jamais vu. Si elle devinait…
— Rappelle-moi plutôt qui est cette Ingrid Bergman.
—Tu te moques de moi ? Il entortilla une petite mèche de cheveux autour de son index. Le savait-il lui même ? Ses pensées le trompaient parfois.
— L’actrice de Casablanca. La Maison du docteur Edwardes, Les Enchaînés de Hitchcock, ce sont des films qui sont sortis chez nous.
S’il aimait faire des films, il détestait en voir. La faute à ces acteurs qui l’agaçaient prodigieusement, surtout ces faux culs de Hollywood, ces singes savants qui se croyaient irrésistibles avec leurs sourires en toc.
— Bergman, répéta-t-il, pensif. Ingrid… cela me dit quelque chose…
Il se donna une petite tape sur le front. — Madonna ! Dans Rome, ville ouverte, l’officier de la Gestapo s’appelait Bergman et sa maîtresse Ingrid. Amusant, non ?
—Très amusant, lui répondit sa secrétaire.
—Va me chercher une photo que je me fasse une idée.
© François-Guillaume Lorrain, L’année des volcans, éd. Flammarion, 2014
© Gordon PARKS, Ingrid BERGMAN en 1949 lors du tournage de Stromboli, film réalisé par Roberto Rossellini
